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La dernière quête

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Lettre de Philippe Poussin à Antoine Desclaibes

Paris, le 28 août 2000.

« Antoine,

Me voici, grâce à toi, sur la piste de l’énigme la plus incroyable qu’il m’ait été donné de résoudre. Je me sens marcher sur les traces des archéologues qui, avant moi, tentèrent de percer à jour les secrets de Montségur et des cathares, Caussou, Arnaud, Toussaint Chaubet, l’abbé Durand, Jean Tricoire ! Fous qu’ils étaient, sans parler des amateurs qui n’ont cessé de piller les sites de la façon la plus anarchique ! Fou que je suis, de m’être lancé dans cette opération, sur la simple foi de ton document, cette carte à la rose, rose des vents !

La conservatrice du Centre d’études cathares m’a rendu visite à Montségur. Nous avons longuement parlé du château lui-même. Montségur I : les couches les plus profondes. Quartzite moustérien, paléolithique moyen, homme de Néandertal. 40 000 avant Jésus-Christ. Néolithique récent, argile de décalcification, logée dans les failles de la roche naturelle, témoignant d’une occupation humaine dès 3000 avant Jésus-Christ, traces de silex, de broyeurs, de percuteurs, de racloirs. Occupation romaine diffuse, insuffisante pour en tirer des conclusions raisonnables ; Montségur pré-médiéval, si pauvre lui aussi, happé à tout jamais par les mystères de l’évolution naturelle. Montségur II, Montségur cathare, sans cesse détruit et rebâti… Soudain, j’ai parlé de toi à cette femme qui se trouvait à mes côtés, au sommet du pech. Pas de ce que tu penses avoir découvert, mon cher Antoine, ni du manuscrit, ni de la carte. Simplement de notre inspiration commune.

La bataille a été longue.

Je l’ai gagnée.

Les municipalités, les instituts et les historiens de la région se sont joints à moi.

Nous sommes arrivés avec nos pelles, nos pioches, nos marteaux, nos burins, nos calques, nos bâches et nos carbones, nos banderoles et nos pieux ; à l’heure où je te parle, une soixantaine de personnes sont disséminées dans cette petite grotte du Sabarthès dont le troubadour et son encre énigmatique ont signalé la présence.

Nous travaillons sans relâche.

J’entends le bruit de nos instruments contre la pierre ; celui du souffle des derniers cathares de Montségur ; celui de nos gens, debout, assis, accroupis, agenouillés sur tout ce que cette grotte pourra nous révéler ; bruit des pinceaux sur la poussière, des lampes de poche qui passent de main en main. La grotte doit faire une centaine de mètres carrés ; sa voûte est encombrée de stalactites qui pendent comme les calicots d’une fête funèbre ; elle est humide et sombre, c’est une gorge amère, prête à vomir ce passé qui nous obsède, une bouche ouverte sur l’inconnu. Nous nous sommes jetés à l’intérieur sans d’autres repères, ni autres instructions que de chercher le secret qu’elle recèle.

Je trouverai.

Philippe. »